Le 16 mai dernier, lors de la table ronde d’ouverture du Séminaire ÉvalPOP 2017, Lynda Rey et Maria José Arauz de la Fondation One Drop et Manuela Mendonça de l’Institut Nazareth et Louis Braille (INLB) ont partagé leurs expériences et réflexions autour de 3 questions:
De quelle manière se traduit l’évaluation participative dans votre milieu de pratique?
Pour les trois conférencières, l’approche participative fait partie de l’ADN de leur pratique d’évaluation. Les façons de faire sont différentes mais les ambitions identiques: les participants sont impliqués dans l’évaluation de l’intervention du début jusqu’à la fin de la démarche.
Toutes trois sont d’ailleurs unanimes: pour bien démarrer et faciliter l’appropriation, l’évaluation nécessite de déterminer ensemble des balises et un vocabulaire communs.
L’INLB a opté pour l’adoption d’un cadre commun pour statuer ensemble de la définition, des principes et des rôles de chacun en regard de l’évaluation. Celui-ci s’appuie sur une démarche axée sur les résultats tout en intégrant des éléments déjà existants dans la culture de l’organisation. L’approche participative et notamment la définition des questions d’évaluation par les équipes sont donc entendues dans ce cadre.
Du côté de One Drop également, chaque nouveau projet nécessite un temps préalable pour la clarification du sens donné à l’évaluation et des termes qui s’y rattachent, en particulier quand les acteurs proviennent d’horizons très divers (municipaux, communautaires, etc.). « Il faut permettre aux gens de communiquer sur les mêmes balises. Il faut aussi adapter son langage pour tenir compte des réalités des partenaires » Lynda Rey, Fondation One Drop.
La pleine participation des acteurs est d’autant plus importante que, dans les deux contextes, l’évaluation est au service de projets innovants ou de projets intégrés, comportant plusieurs composantes.
En quoi vos démarches d’évaluation d’impacts viennent modifier les pratiques (d’intervention, d’organisation, etc.) dans votre milieu?
Encore une fois, pour favoriser une transformation des pratiques, les trois conférencières s’entendent sur le fait que les cadres et balises générales doivent être personnalisées pour et par les équipes ou groupes interpellés sur le terrain.
Si l’art social est au cœur des projets chez One Drop, alors les pratiques d’évaluation doivent être le reflet de cette particularité: « Si on utilise des outils classiques comme les questionnaires on intègre aussi des outils d’inspiration artistique comme la photovoix qui constitue à la fois l’intervention et l’outil évaluatif. Nous avons aussi misé sur des vidéos évaluatives qui valorisent nos résultats d’évaluation et qui s’adaptent particulièrement à des contextes spécifiques : cultures différentes, populations jeunes, etc. » Lynda Rey, Fondation One Drop.
À l’INLB, afin de s’assurer d’une appropriation de l’évaluation et de retombées dans la pratique, on a fait le choix de se concentrer dans un premier temps uniquement sur les projets innovants. Financés par la fondation, leur cycle d’évaluation est clairement identifié dans le temps et maintenant bien connu des équipes (voir la diapositive n°5 dans la présentation ci-dessous). Cela permet aux acteurs de développer des connaissances à la fois sur l’évaluation mais également sur l’intervention.
Malgré des différences entre leurs milieux, les trois intervenantes témoignent d’un processus évaluatif qui améliore l’intervention et d’une intervention qui influence le choix des méthodes évaluatives.
Quels sont dans votre contexte les enjeux principaux liés à la pérennisation de l’évaluation?
L’importance de valoriser l’évaluation
La clé de voûte de la pérennisation est sans nul doute le renforcement et le maintien des connaissances et compétences en évaluation afin de tendre vers une autonomie des acteurs sur le terrain. Les stratégies sont multiples mais les trois conférencières s’entendent pour dire que quel que soit le milieu, l’évaluation doit être portée et valorisée à tous les niveaux et particulièrement au niveau des instances de décision et de coordination : « L’évaluation est devenue une condition pour l’acceptation des projets » Maria José Arauz, Fondation One Drop.
Combien de ressources et combien de temps y consacrer? « Pour défendre la valeur ajoutée de l’évaluation auprès des instances de décision, nous sommes allées voir quel était le budget consacré à l’évaluation dans d’autres fondations. Aujourd’hui nous encourageons que 4 à 5% du budget disponible pour un projet soient alloués pour l’évaluation » Lynda Rey, Fondation One Drop.
Autre avenue inspirante, l’INLB a pour sa part opté pour instituer un comité permanent de pérennisation ayant pour mandat de s’appuyer sur les évaluations pour assurer une intégration des innovations dans la vie quotidienne des programmes.
La gestion des connaissances comme levier de pérennité
Nous l’avons dit, si l’évaluation sert la pratique, l’inverse s’applique également. Toute démarche d’évaluation génère des apprentissages dont la mise en valeur contribue également à la pérennisation. Du côté de One Drop, on n’hésite pas à publier des études de cas, à faire des présentations dans des conférences internationales et faire rayonner les résultats d’évaluation des différents projets en interne comme à l’externe pour que les pratiques contaminent d’autres milieux.
Pour Manuela Mendonça également, la formation reste un incontournable, l’expertise développée doit être documentée car sans le savoir, les organisations sont souvent riches en outils et pratiques d’évaluation : « Souvent, il faut juste valoriser ce qui existe déjà » Manuela Mendonça, INLB.
Que l’ambition soit de convaincre de la pertinence de l’évaluation ou de diffuser les résultats de celle-ci, nos stratégies de vulgarisation ne peuvent pas être transversales et applicables mur à mur : « Si nous vulgarisons un contenu, à qui et pourquoi le faisons-nous? Se poser la question permet d’adapter nos stratégies à nos audiences respectives » Lynda Rey, Fondation One Drop.
Laisser le temps au temps…
Finalement, les participantes ont rappelé que pérennisation rime avec temps. Bâtir une culture (notamment évaluative) est un processus à long terme qu’il faut constamment alimenter et affiner, au risque de la voir dépérir.
Une des clés du succès donc: s’armer de patience et avancer un pas à la fois!
[…] enjeux de leurs pratiques pour la pérennisation de l’évaluation. Ouvrant les discussions, ce Panel a notamment soulevé l’importance d’impliquer les dirigeants et les participants, de prévoir […]
J’aimeJ’aime