L’évaluation vue par… le Mouvement PHAS

Le Mouvement des Personnes handicapées pour l’accès aux services (PHAS), c’est l’histoire d’une action collective ponctuée de différentes campagnes pour soutenir les personnes en situation de handicap dans l’accès à des soins de santé de qualité. Parmi celles-ci, une campagne de plaintes collectives a été lancée à l’automne 2014. Son objectif ? Faire pression sur les décideurs dans le but d’obtenir de meilleurs services. Parallèlement à cela, l’équipe du Mouvement a démarré une démarche d’évaluation participative des résultats, accompagné par le Centre de formation populaire (CFP). Retour sur une démarche innovatrice, mêlant mobilisation et évaluation, dans le cadre d’un échange à saveur militante entre Olivier Martin, coordonnateur du Mouvement et Céline Rossini, formatrice et conseillère en évaluation pour le CFP.

Question (Q.) : Tout d’abord, en quoi consiste, en quelques mots, le Mouvement PHAS ?

Olivier Martin (O.M.) : Le Mouvement PHAS, c’est une action collective de promotion de défense des droits des personnes en situation de handicap à Montréal. Il regroupe des organismes communautaires en déficience intellectuelle, en déficience physique et en troubles du spectre de l’autisme. Il vise à dynamiser et à mobiliser les personnes en situation de handicap, les parents, les proches, les organismes communautaires et à faire des ponts entre l’ensemble des organismes du secteur. C’est avant tout un mouvement de concertation et de mobilisation.

Q. : Qu’est-ce-qui vous a amené à frapper à la porte du CFP et à démarrer un processus d’évaluation ?

 O.M. : Au départ, c’est Centraide du Grand Montréal, notre bailleur de fonds, qui nous a parlé d’ÉvalPop. Nous avons rencontré le CFP qui nous a rapidement mis dans l’action en travaillant sur le modèle logique de l’organisme pour nous aider à identifier le projet que nous souhaitions évaluer. On s’est alors rendu compte que nous avions un défi de taille, à savoir une certaine inadéquation entre les résultats que l’on voulait atteindre et les actions que nous mettions en œuvre pour y arriver. On voulait mobiliser et rejoindre les personnes avec des handicaps, mais les actions que l’on mettait sur pied étaient surtout des actions de représentation, bref des activités qui ne débouchent pas sur de la mobilisation. Ce premier modèle logique a été un point tournant dans le travail du Mouvement PHAS : à partir de là, nous avons travaillé à mettre en œuvre différentes activités qui allaient davantage déboucher sur la mobilisation. Nous avons misé notamment sur des actions soutenant l’engagement des personnes en situation de handicap, comme la campagne de plaintes collectives. Ainsi, cette démarche nous a amené, dès le début, à changer la culture du Mouvement.

Ainsi, cette démarche nous a amené, dès le début, à changer la culture du Mouvement.

Q. : Pourquoi avoir évalué plus spécifiquement cette campagne ?

O.M. : Une fois, le modèle logique de l’organisme réalisé, il nous fallait choisir une activité à évaluer plus spécifiquement. La campagne de plaintes collectives allait être la mobilisation phare de notre année et naturellement nous souhaitions l’évaluer. Son objectif  était d’améliorer l’accès aux services en utilisant notamment les recours du système de plainte du réseau de la santé et des services sociaux.

C.R. : Pour le CFP, c’était la première fois qu’on accompagnait un organisme dans l’évaluation d’une action collective, une action de mobilisation. Un défi très stimulant en l’occurrence ! Avec le Mouvement PHAS, on s’est doté d’une stratégie  qui nous a permis d’évaluer l’atteinte de chacune des étapes du processus de mobilisation, de l’assemblée publique qui lançait la campagne jusqu’au dépôt officiel des plaintes collectives.  C’est tout l’intérêt  de cette démarche d’évaluation : au lieu de juger la réussite d’une mobilisation, uniquement au travers de  l’atteinte du résultat final de la Campagne, nous avons documenté, de façon régulière et continue, la chaîne logique de résultats qui y menait.

Avec le Mouvement PHAS, on s’est doté d’une stratégie  qui nous a permis d’évaluer l’atteinte de chacune des étapes du processus de mobilisation, de l’assemblée publique qui lançait la campagne jusqu’au dépôt officiel des plaintes collectives.

Q. : Quels ont été les principaux outils de mesure utilisés ?

O.M. : Nous avons principalement  utilisé des questionnaires dans le cadre des différentes  activités mise en œuvre tout au long de la campagne. Après chacune d’elles, nous allions questionner les participants et mesurer les transformations opérées. Ce temps de collecte auprès des participants est très important !  Régulièrement, on s’asseyait et on reprenait les résultats des questionnaires : cela nous aidait à voir les choses plus objectivement. On savait comment bonifier nos actions grâce aux commentaires apportés par les participants.

Q. : A l’heure du bilan, quels résultats de la Campagne souhaitez-vous souligner ?

O.M. : Notre objectif initial était d’obtenir 100 plaintes et on en a obtenu la moitié.  À première vue,  on peut se dire qu’on a juste atteint 50 % du résultat escompté. Avec la démarche d’évaluation, on a pu mesurer les retombées du travail mené en amont du dépôt des plaintes : nous avons rencontré des personnes en situation de handicap, fait de l’éducation populaire, augmenté leur connaissance, augmenté leur pouvoir d’agir etc.  Ce passage à l’action ne s’est pas toujours matérialisé au moment de la campagne de plainte, mais nous les savons maintenant outillés ! Par exemple, nous avons mesuré l’intention des personnes en leur posant la question suivante : si vous aviez besoin de déposer une plainte à l’avenir, vous sentiriez vous en mesure de le faire ? La réponse était oui dans une très grande proportion (73 % des personnes rencontrées)! Il y a donc eu des transformations et des changements d’attitude qui ont eu lieu chez les personnes. Pour nous, c’est un résultat notable.

Je soulignerai aussi un autre résultat : nous souhaitions qu’il y a ait une participation des personnes en situation de handicap, mais aussi de leur famille et de leur proche. Quand on regarde les plaintes, on constate que 60 % des plaignants sont des personnes en situation de handicap et 30 % sont des proches. En ce sens, la campagne a permis de mobiliser l’entourage des personnes en situation de handicap.

 L’évaluation est un merveilleux outil face au cynisme ambiant avec des propos comme « La mobilisation, cela ne sert à rien » : on démontre que la chaine d’actions entreprises pour atteindre notre but est porteuse et renforce le pouvoir d’agir des personnes en situation de handicap et des organismes qui évoluent dans ce secteur.

 L’évaluation est un merveilleux outil face au cynisme ambiant avec des propos comme « La mobilisation, cela ne sert à rien » : on démontre que la chaine d’actions entreprises pour atteindre notre but est porteuse et renforce le pouvoir d’agir des personnes en situation de handicap et des organismes qui évoluent dans ce secteur.

C.R. : De mon point de vue de formatrice, l’évaluation a permis en effet de valoriser tout le chemin parcouru par le Mouvement au travers des actions qu’il posait.  En complément  de ce qu’amène Olivier,  je dirai que la campagne a permis d’illustrer la capacité de mobilisation du Mouvement PHAS : Ce sont plus de 83 organismes québécois ont pris part à au moins une activité de la campagne de plaintes.

Un autre résultat intéressant à amener, c’est l’analyse des 50 plaintes déposées qui permet de dresser un portrait des principaux enjeux affectant l’accessibilité aux services pour les personnes en situation de handicap. Plus généralement, tout le travail de mobilisation du secteur et de renforcement de la capacité d’agir des acteurs est un acquis sur lequel vous pourrez tabler pour la suite.

Q. : Quel bilan faites-vous de cette démarche d’évaluation ?

C.R. : L’évaluation me parait être un outil particulièrement utile dans un contexte de mobilisation. Bien souvent quand on parle d’action collective en défense de droits, on ne voit pas, de façon tangible, les résultats. Dès lors que le résultat ultime n’est pas atteint, il peut vite y avoir un effet de découragement.  L’évaluation vient contrecarrer cela : elle permet de décortiquer toutes les étapes constitutives d’une action de mobilisation, de les formaliser et d’en mesurer les retombées. L’évaluation, pour l’équipe de travail, a pour effet de sortir des perceptions, d’objectiver les résultats, de les nuancer en s’appuyant sur des constats.

L’évaluation me parait être un outil particulièrement utile dans un contexte de mobilisation.

O.M. : L’évaluation est venue confirmer que ces activités fonctionnent et répondent à des besoins concrets. Nous avons tenu une activité bilan en mars dernier avec les personnes qui y ont participé activement : nous souhaitions avoir leur point de vue et diffuser les résultats de cette démarche. Nous avons finalisé notre rapport d’évaluation et nos recommandations : cela nous donne  un cadre de travail clair pour nos prochaines actions de mobilisation.

Q. : Pour conclure, fort de cette expérience, si vous aviez un conseil à donner à un organisme en mobilisation, quel serait-il ?

O.M. : Je dirai planification,  c’est-à-dire avoir en tête l’évaluation des résultats avant de mettre sur pied l’activité comme telle. La formation du CFP le résume très bien : il faut savoir où on s’en va pour savoir comment s’y rendre. Comme le disait Céline, nous visons la transformation sociale, difficilement atteignable, mais quand on se donne des objectifs concrets, réalistes pour y arriver et qu’on établit des activités en conséquence, on peut voir le chemin parcouru. Pour un travailleur en mobilisation, c’est très valorisant et stimulant !

Je dirai planification,  c’est-à-dire avoir en tête l’évaluation des résultats avant de mettre sur pied l’activité comme telle.

(c) Mouvement PHAS

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